Quitter le récit colonial par la patrimonialisation du modèle urbain bioclimatique de Saint-Louis du Sénégal

Intervention au congrès "Modern Heritage in the Anthropocene", The Barlett School of Architecture University College London, le 28 octobre 2022.

Et si l’adaptation climatique, en tant que processus élaboré sur une longue durée, devenait une valeur patrimoniale reconnue, un motif de patrimonialisation, voire un nouveau critère de labellisation UNESCO sans pour autant oublier les différentes strates historiques ?

Les villes coloniales patrimonialisées portent en elles une ambiguïté : leur architecture est indissociable du passé colonial qui les a produites. Comment valoriser cette architecture particulière sans mettre en avant le colonialisme ? Comment se construire une identité propre si cette ambiguïté demeure ? Considérer les processus adaptatifs aux conditions environnementales et climatiques plus que les objets historiques, considérer les qualités systémiques plus que des compositions permettrait de dissocier les faits historiques de valeurs à mettre en avant et que tous les habitants, dans leur diversité, pourraient revendiquer.

Saint-Louis du Sénégal est connue pour son passé colonial et sa fragilité au regard des risques naturels et des effets du réchauffement climatique. Identifier les qualités adaptatives de la ville ancienne, qui sont le fait de tous ses habitants et présenter cette ville comme un modèle contemporain ferait la fierté de ses habitants. Cela permettrait de continuer à dénoncer la domination coloniale tout en donnant du sens à la préservation des bâtiments anciens. La ville ne serait plus identifiée comme une victime toujours tournée vers le passé mais comme un modèle à comprendre et suivre dans une approche prospective. La patrimonialisation serait constructive pour penser le futur sans nier le passé et l’histoire. Cette considération s’inscrirait ainsi positivement dans la reconstruction de l’identité de la ville et de ses habitants.

Ainsi, considérer ces qualités climatiques adaptatives et les ériger en patrimoine et modèle pour la construction de nouveaux quartiers permettrait de déplacer le récit jusqu’alors centré sur le passé vers la valorisation de valeurs contemporaines qui relèvent sans aucun doute du bien commun de l’humanité et d’engagements présents et futurs.

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