Symbole et Châtiments

Regards sociologiques sur l’inconscient scolaire en Afrique noire francophone

Éditions MENAIBUC, Maison d’Éditions de l’Afrique et des Caraïbes, Paris, 2006.

En mettant en place, en Afrique noire, des écoles spécifiquement destinées à la formation des élites indigènes et coloniales, le pouvoir colonial français a généré du même coup un univers scolaire tout à fait particulier. Un univers au sein duquel les maîtres et les moniteurs indigènes, les instituteurs et autres formateurs métropolitains, devaient appliquer des types de punitions qui n’étaient plus pratiqués, au moins théoriquement en France métropolitaine, depuis la Loi Guizot du 28 juin 1833.

Autant les instituteurs métropolitains tiraient directement leur légitimité de la logique de domination coloniale dont ils servaient les intérêts tout en servant les leurs propres, autant les maîtres et moniteurs indigènes, - dépourvus du capital pédagogique nécessaire -, devaient construire la leur en puisant (par compensation !) dans les pratiques punitives liées aux représentations traditionnelles de l’enfant dans l’univers familial africain. C’est donc dire combien tout inconscient scolaire ne saurait être le résultat des seules ‘‘expériences proprement scolaires’’. Dans certains cas, il peut être l’expression conjuguée des expériences relevant de deux univers éducatifs.

Dans la construction de cette dimension fondamentalement arbitraire qu’est l’inconscient scolaire colonial, les châtiments corporels et autres punitions comme le port du symbole constituent des pratiques redoutables qui, encore de nos jours, rappellent aux générations entières d’élèves africains, les images, les comportements et les pratiques inoubliables de leurs anciens maîtres d’école. Et parmi ces élèves, peut-on véritablement imaginer le nombre de ceux qui ont déserté cet univers scolaire impitoyable ?