Des architectes dans le champ socioculturel

In Shapiro (R.), Bureau (M.-C.) et Perrenoud (M.) (dir.) L’artiste pluriel - démultiplier l’activité pour vivre de son art, éditions du Septentrion, Lille, 2009.

Les activités d’architecture font actuellement face aux contradictions internes de la profession d’architecte, prise entre la recherche de légitimité et le maintien d’une position d’élite, et aux transformations de l’action publique, avec notamment la montée de la démocratie participative. De nombreux segments d’activités existent maintenant dans le domaine de l’architecture (Tapie, 2000), mais la connaissance que nous en avons est encore un peu disparate.

Dans l’ensemble des pratiques émergentes et à la suite des Conseils en Architecture Urbanisme et Environnement (CAUE) [1], certains architectes s’associent avec des urbanistes, des artistes et des professionnels de l’éducation afin de prendre en charge des actions de sensibilisation et de participation du public. Ils ont des activités "militantes" et bénévoles ou bien des activités rémunérées, missionnées la plupart du temps par les collectivités locales. Leurs interventions portent sur des projets d’aménagement et des projets urbains, ou s’exercent auprès d’établissements scolaires et de structures issues du mouvement d’éducation populaire ou encore dans le cadre de résidences artistiques. Dans ces contextes divers, les architectes développent des pratiques s’appuyant sur leur formation d’origine mais appelant aussi d’autres domaines de compétences tels que, par exemple, l’éducation, l’animation et la médiation.

Ceci constitue une pluriactivité et engage une redéfinition des modes d’inscription de l’activité architecturale dans le champ culturel. Notre hypothèse est que cette inscription se fait notamment par le biais d’une nouvelle professionnalité, rencontre de l’expérience professionnelle avec une position reposant sur une idéologie professionnelle et un rapport aux autres professionnels du même champ. Notre recherche [2] s’appuie ici sur la réalisation d’entretiens avec des architectes socioculturels [3] qui ont contribué à la fondation d’associations ayant à la fois des activités pédagogiques et participatives dans le domaine de l’architecture. Ces entretiens, construits sur le modèle du récit biographique (Schwartz et al., 1999), permettent de mettre en valeur la trajectoire et les différents moments clés du parcours. Nous verrons particulièrement comment des expériences successives s’établissent en continuité ou en rupture avec l’exercice traditionnel du métier d’architecte.

Notes

[1Institués par la loi sur l’architecture (1977), les CAUE ont pour mission de « développer l’information et la participation du public dans le domaine de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement ».

[2Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une thèse de doctorat, réalisée au Laboratoire Espaces Travail (École doctorale Ville et Environnement, Paris 8)

[3Nous appelons les personnes interrogées « architectes » car elles ont toutes suivi une formation en école d’architecture et « socioculturels » en référence à l’éducation populaire. Cependant, ces architectes ne se revendiquent pas toujours comme tels, et la dénomination qui est protégée, fait l’objet d’un débat au sein de la profession. Pour porter le titre d’architecte, il faut avoir obtenu un diplôme reconnu par l’Etat et être inscrit sur le tableau de l’Ordre (sur environ 40 000 diplômés, 27 000 y sont actuellement inscrits).