La forme au risque de l’oubli
Communication au colloque « Formes et langages de l’urgence écologique : matière, climat, réutilisation », ENSA Bretagne, 21 novembre 2024.
Les normes et les labels modifieront-ils les morphologies architecturales ? Une architecture écologique est-elle condamnée à être laide ? Doit-elle chercher à se distinguer ? Doit-elle montrer ses dispositifs techniques environnementaux ou au contraire les camoufler ? Au cours des années 2000, les débats sur la forme architecturale écologique se formulaient principalement autour de ces questions. Les formes et les langages de l’urgence écologique étaient déjà au cœur des échanges entre les acteurs du monde architectural, observateurs et praticiens, en France et ailleurs – sources d’inquiétudes pour certains, axes de militance pour d’autres, questionnements pour tous. Arrivée massivement dans le champ politique et médiatique, l’écologie apparaissait alors comme une problématique « nouvelle » pour la plupart des architectes, nourrissant doutes et curiosités.
Cette communication s’est appuyée sur la thèse intitulée La fabrication d’une architecture « durable » en France (2000-2010), menée sous la direction de Caroline Maniaque et soutenue en 2023. Ce doctorat a proposé une sociohistoire des bouleversements conceptuels et formels de l’architecture française au début du XXIe siècle. Il a notamment montré comment une vive opposition à la mise en place d’une labellisation environnementale a constitué le point de départ d’une entreprise de réesthétisation de l’architecture écologique – jusqu’alors collectivement dépréciée. Cette recherche a ainsi révélé comment la HQE a échoué à imposer ses critères aux architectes en même temps qu’elle les a poussés à réviser leurs concepts et à considérer cette refonte comme capitale. À la fin du processus, le découpage en paramètres, le raisonnement en termes de critères à atteindre ou la nécessité d’évaluer et de contrôler ont transformé en profondeur la façon de raisonner l’objet architectural, le milieu, la conception même.
La matière, le climat et la réutilisation : les thèmes de 2024 apparaissent comme les héritiers de ce renouvellement conceptuel. Depuis la décennie 2000, la façon dont l’architecture est réalisée et dont elle fonctionne est en effet passée au premier plan de toutes les attentions, tendant à minorer au passage les dimensions symboliques et esthétiques de l’architecture. L’impensé esthétique de l’architecture écologique était déjà blâmé en 2000 par l’architecte James Wines, auteur d’un des livres phares sur le thème, L’Architecture verte. Mais vingt ans plus tard, ce déclassement de la question formelle est devenu un enjeu crucial pour l’architecture depuis qu’il s’accompagne d’un désir de ne plus construire du tout. Cette communication est revenue sur l’instauration de la nouvelle logique conceptuelle architecturale au tournant du siècle et a présenté comment le risque de l’oubli de la forme est envisagé par divers observateurs contemporains (Emery, Monnier, Tribout, Hosey, Cucuzzella).
Photo : David Bouraud, 2008
Voir en ligne : https://matierearchi.sciencesconf.org
- Membres du LET
- Types de publications