Avec la collaboration de ELEB-HARLE Nicole, BERTRAND Frédéric, MARCILLON David | Grudet, Isabelle

De la conception : les processus de conception urbanistiques et architecturaux à la grande échelle

Coordination et iconographie des projets urbains : objets, culture et outils

Programme "Pirvilles" CNRS / IPRAUS, 1997.

Alors que les projets urbains se développent selon des temporalités longues et des rythmes fluctuants, quels sont les thèmes privilégiés par la coordination urbanistique et architecturale ? Quelles cultures de la ville et de l’aménagement s’expriment à travers elles ? Peut-on dégager des rapports entre formes urbaines et architecturales et modalités de gestion des projets ? Des projets aux réalisations, les savoir-faire des maîtres d’ouvrage urbain, des concepteurs et architectes-coordonnateurs se conjuguent pour agencer espaces publics, formes urbaines et typologies architecturales, réflexions sur l’usage et les matériaux. L’enjeu est la qualité des paysages urbains. Les analyses et expertises portent sur dix projets urbains qui ont marqué la décennie : Aix-en-Provence/Sextius-Mirabeau, Cergy-Pontoise, Euralille, l’Isle d’Abeau, La Défense, La Plaine Saint-Denis, Marne-la-Vallée, Montpellier/Port-Marianne, Paris-Bercy, Paris Seine-Rive gauche.

« La démarche de projet urbain, processus de réflexion collectif de concertation et de conception à des échelles pertinentes et articulées, a été mise en œuvre par de nombreux acteurs des villes et de l’aménagement, afin d’inscrire leur action dans la durée. »

À partir de cette définition, Nicole Eleb-Harlé propose une étude des grands projets français lancés dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, notamment Paris-Bercy, Paris-Rive gauche, la Plaine-Saint-Denis, Port-Marianne ˆ Montpellier, Sextius-Mirabeau ˆ Aix-en-Provence, Euralille. S’y ajoutent des situations exemplaires choisies dans les villes nouvelles, considérées comme « le creuset de l’aménagement urbain contemporain en France. » On trouve donc dans cet ouvrage – et c’est déjà beaucoup – l’analyse du « renouvellement des thèmes de l’art urbain », d’abord sur des sites neufs de villes nouvelles, puis dans des recompositions et reconstructions de quartiers existants ; le passage de diverses échelles de conception urbaine à la conception architecturale, pour créer l’image du nouvel ensemble ; la présentation des documents guides du projet et du rôle de l’architecte coordinateur ; l’ensemble appuyé par de nombreux entretiens et une importante documentation.

Mais tout n’est pas également lisible et, l’ouvrage suivant un plan thématique, chaque projet revient plusieurs fois, sans fiche technique résumée. D’autre part, les plans publiés en petit format ne sont pas toujours clairs pour ceux qui ne connaissent pas les lieux. Mais dans la mesure où les opérations présentées symbolisèrent de nouvelles opérations de l’urbanisme opérationnel, elles méritaient bien une synthèse.

Il faut cependant dire un mot de ce qui, malgré les annonces préliminaires, n’est que peu abordé dans cet ouvrage. Il s’agit de la nouvelle « maîtrise d’ouvrage urbaine » – dans laquelle l’auteur croit reconnaître « l’autorité et les moyens de l’État » en plus de ceux des acteurs locaux – mais qui n’est que rapidement évoquée à travers les outils de pilotage et de concertation, notamment ceux que Jean-Paul Baïetto avait mis en place pour Euralille. Quant au cadre institutionnel, juridique, économique des projets, son approche n’est qu’allusive. Ce qui fait que l’on perçoit mal les relations entre le plan directeur et dispositif opérationnel – d’autant que les intentions de départ sont souvent formulées au présent de l’indicatif, comme si elles s’étaient effectivement concrétisées. Or l’une des grandes leçons que l’on peut tirer des opérations de la dernière décennie est la nécessité de passer du projet au processus piloté, et réciproquement, tâche qui, soit dit en passant, appartient surtout à des managers peu présents dans l’ouvrage.

En revanche, le discours des architectes-concepteurs et coordinateurs est très privilégié, au point de friser parfois l’hagiographie… Il est vrai que les villes nouvelles puis les grands projets ont révélé des équipes de talent, mais une certaine distance critique aurait sans doute aidé à expliquer les retards ou même les échecs de certaines réalisations. La crise économique par exemple, évoquée à propos de Sextius-Mirabeau, n’est pas seule fautive : le coût et la complexité de certaines propositions, la volonté de maîtrise totale du paysage urbain, des problèmes d’insertion dans l’agglomération, peuvent aussi bloquer le passage à l’acte.