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Nous nous intéressons aux activités de conception architecturale, urbaine ou paysagère, considérées comme ensemble des pratiques qui concourent à la définition des projets. Focalisés sur les acteurs de la conception, nous prenons en compte les relations de ceux-ci avec l’ensemble des milieux concernés par les projets, et notamment leurs destinataires, ainsi qu’avec les objets ou aménagement produits.
Le LET étudie l’organisation des activités, à l’échelle individuelle et collective, les coopérations, concurrences et négociations qui marquent l’élaboration des projets, leur mise en œuvre et leur réception.
Insister sur le travail d’architecture et d’urbanisme, c’est étudier ses cadres matériels et de pensée, les savoirs et les outils, les compétences et répertoires d’action mobilisés, ainsi que les réseaux et collectifs au sein desquels il se déploie. C’est aussi s’interroger sur la construction de ces savoirs et compétences, leur capitalisation et leur circulation.

Rappelons que nous nous intéressons aux activités de conception architecturale, urbaine ou paysagère, considérées comme ensemble des pratiques qui concourent à la définition des projets, sans se limiter aux découpages a priori, comme celui qui oppose maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre par exemple. Focalisés sur les acteurs de la conception, nous prenons en compte les relations de ceux-ci avec l’ensemble des milieux concernés par les projets, et notamment leurs destinataires, ainsi qu’avec les objets ou aménagement produits.
Choisir la notion de travail signifie que l’on s’intéresse à l’organisation des activités, à l’échelle individuelle et collective, à ses composantes et à son organisation, aux coopérations et concurrences interprofessionnelles, ainsi qu’aux négociations qui marquent les relations de travail pour l’élaboration des projets, leur mise en œuvre et leur réception.
Insister sur le travail d’architecture et d’urbanisme, c’est étudier ses cadres matériels et de pensée, les instruments de l’activité, les savoirs et les outils, les compétences et répertoires d’action mobilisés, ainsi que les réseaux et collectifs au sein desquels il se déploie. C’est aussi s’interroger sur la construction de ces savoirs et compétences, leur capitalisation et leur circulation.
Le travail de conception est l’œuvre d’acteurs inscrits dans des champs professionnels évoluant selon des dynamiques de positionnement et de construction des identités professionnelles, qui contribuent à organiser les relations entre les différents acteurs des projets et les rapports entre les divers champs professionnels. Mais le travail de conception s’inscrit plus largement dans le champ économique, social et politique qui non seulement suscite et reçoit les œuvres des concepteurs, mais contribue aussi à modeler les conditions d’exercice de leurs activités.

L’évolution des contextes des activités de conception a notamment été synthétisée dans deux publications auxquelles nous avons participé [1]. Retenons ici quelques tendances qui nous semblent marquer durablement les conditions d’élaboration des projets architecturaux et urbains. La fragmentation des contextes d’action et des processus de décision et la multiplication des acteurs intervenant dans l’élaboration des projets a suscité le développement des fonctions de coordination et de pilotage des projets. Au sein de ceux-ci, les préoccupations liées à « l’aval », à savoir la réception et l’usage, font davantage retour sur les phases « amont » et suscitent l’apport de nouvelles compétences dans l’étude des projets. Les fonctions d’assistance à maîtrise d’ouvrage se sont développées et des figures professionnelles nouvelles émergent, qui assurent notamment des fonctions de développement de projet et de médiation entre les partenaires ou les acteurs concernés par le projet. Enfin, le renouvellement de l’intérêt porté aux clients et utilisateurs conduit à associer dans la conception des projets des savoirs de nature hétérogène, savoirs professionnels et savoirs profanes, qui interrogent et transforment les pratiques de conception.
Tenant compte de ces évolutions, nous portons le regard sur les nouvelles interactions qui se déploient entre concepteurs, commanditaires et utilisateurs, ainsi que sur les médiations portées par les pratiques, les discours et les images au travers desquels se socialisent les activités de conception architecturale et urbaine et les œuvres qui en résultent. Le travail des professionnels est ainsi appréhendé dans la dynamique d’élaboration des projets et au-delà de ceux-ci, dans le travail quotidien pour faire reconnaître ce travail dans le champ professionnel et social [2]. Dans cette perspective, nous considérons l’ensemble des acteurs et des objets qui y concourent dans un mouvement qui redéfinit simultanément leur place et leur identité sociale, selon un point de vue proche de certains courants de la sociologie des sciences. La volonté d’éclairer les particularités sociales et culturelles des activités de conception architecturale et urbaine nous conduit à mettre en œuvre une démarche pragmatique ou socio-sémiologique pour explorer les aspects symboliques du travail des professionnels et l’ensemble des médiations qui inscrivent leur activité et leurs œuvres dans la société.

D’autres univers conceptuels et méthodologiques sont convoqués pour répondre aux exigences propres de chacun des axes thématiques qui composent notre projet scientifique. Il importait de signaler en introduction que ces appuis et emprunts s’inscrivent dans la perspective d’ensemble d’une conceptualisation du travail de conception architecturale, urbaine ou paysagère.

Trois axes thématiques ont été retenus pour structurer notre projet scientifique :
 Conception, usages, expériences
 Images et médiations architecturales et urbaines
 Identités et polarités professionnelles

Axe 1 - Conception, usages, expériences

L’étude des savoirs et des modes d’action des groupes sociaux impliqués dans la conception, la production et la gestion de l’espace est depuis longtemps un domaine de recherche privilégié du LET, et tout particulièrement dans le cas des lieux de travail. Ce domaine sera maintenu durant les prochaines années. S’il s’agit en partie de veille scientifique, de diffusion des problématiques ou de valorisation des travaux antérieurs, la recherche se poursuivra en insistant sur les rapports entre savoirs et action, notamment dans les conditions actuelles de la production du cadre bâti, comprenant la prise en compte, aujourd’hui déterminante, des usages et des expériences des acteurs dans les processus de production.

La gestion des savoirs et leur distribution dans les systèmes d’acteurs ont déjà été appréhendées dans un certain nombre de recherches, y compris dans celles du LET. Ces travaux ont fait porter l’accent sur la diversité et la complexité des systèmes d’acteurs, tant au niveau de la maîtrise d’ouvrage [3] qu’au niveau de la maîtrise d’œuvre [4]. et sur les interactions à l’intérieur de tels systèmes. Les résultats obtenus permettent de mieux comprendre les finalités divergentes des acteurs, les processus d’élaboration des politiques architecturales et spatiales des entreprises et la mobilisation des savoirs dans les processus de coopération d’experts. Tout en nous appuyant sur les acquis de ces travaux, nous pensons qu’il est nécessaire d’en élargir les perspectives à partir de la question de la place des usages et des expériences dans la conception.

La production du cadre bâti est confrontée à un nombre croissant d’incertitudes. Les difficultés qui en découlent entraînent une attention accrue vis-à-vis de la pertinence économique et sociale des ouvrages bâtis et aménagés ainsi que des interrogations sur la capacité des dispositifs de production à traiter de problématiques nouvelles et devenues plus complexes. Au-delà des initiatives développées lors des situations de production singulières, les acteurs témoignent de la nécessité de faire évoluer les savoirs et les modalités de leur mise en circulation. On connaît notamment la difficulté d’organiser le réemploi des savoirs élaborés au cours des processus de production et d’occupation, dans les activités de conception. Cette difficulté renvoie, d’un côté, à l’articulation entre des savoirs et des situations précises d’opération immobilière ou urbaine et, de l’autre côté, à la transmission et la capitalisation des savoirs d’une opération à l’autre et entre les acteurs.

Dans ce contexte, la question des conditions et des effets du réemploi au cours du processus de production de savoirs élaborés précédemment prend tout son sens. Nous la rapprochons d’une autre, celle des effets d’une prise en compte des usages et des expériences des acteurs sur les structurations professionnelles et interprofessionnelles. Nous pensons notamment à la professionnalisation de compétences jusque là restées informelles (la figure du médiateur dans des projets urbains ou des projets immobiliers complexes en est un exemple) ou l’apparition de nouveaux services et de nouveaux métiers (notamment dans la gestion immobilière et dans l’aménagement urbain).

Les usages

Un basculement en faveur de la prise en compte des usages dans la conception s’opère depuis au moins une décennie dans le secteur de l’industrie. Par des démarches qui ont été regroupées sous le nom de usability studies [5], les usages, généralement objet d’analyse préliminaire ou consécutive à la conception, font progressivement leur entrée dans le processus de conception lui-même [6]. La présence de l’expérience de l’utilisateur dans la conception y est considérée comme un facteur d’efficacité, d’efficience et de satisfaction [7].

Une série d’enjeux sont liés à la prise en compte des usages dans la conception, qui dépassent largement le secteur de la production du cadre bâti. Ils émanent de l’imbrication entre la prise en compte de ces usages et le fonctionnement des groupes sociaux au cours d’un processus de conception, comme lors de toute action organisée qui les réunit. Trois enjeux essentiels de la prise en compte des usages doivent être relevés :

 L’enjeu productif : l’accélération du rythme des innovations et l’importance accordée à la qualité des résultats des processus de conception renvoient à la diversité des usages et leur potentiel d’évolution. Le " retour d’information " de l’utilisateur tout au long du cycle de vie du produit apparaît comme un facteur essentiel de l’amélioration de la performance, tant au niveau du processus qu’au niveau de l’objet à produire (pertinence, coût, qualité, délai). La prise en compte des usages se traduit notamment dans des démarches où les acteurs évaluent de manière incessante la facilité d’utilisation des produits à venir et l’évolution des interactions qui s’appuieront sur ces mêmes produits.

 L’enjeu d’(in)formation : il est également nécessaire de questionner les effets de l’expérience du processus de conception sur les utilisateurs. L’apprentissage est un aspect clé de cette question. Les formes d’appropriation et d’apprentissage des nouveaux systèmes visés par la conception peuvent s’avérer décisives pour la qualité des usages à venir. Réduire les écarts de compréhension entre les futurs utilisateurs ou anticiper une médiation entre diverses modalités de fonctionnement peut devenir un objet important de l’analyse des usages au cours de la conception. Dans cette perspective, le processus de conception est parfois considéré comme aussi important que la réalisation d’un produit par rapport aux objectifs poursuivis [8].

 L’enjeu politique : l’occupant d’un lieu, en quittant la position de cobaye ou de " simple " source d’information, devient utilisateur, usager, client, patient, etc. Sa position d’acteur implique aussi de lui reconnaître des finalités propres. La gestion des processus ne peut être réduite à des choix techniques ou des décisions stratégiques unilatérales. Des débats doivent nécessairement s’ouvrir sous peine de renoncer à l’objectif de prise en compte des usages [9].

Les expériences

L’intérêt d’introduire la notion d’expérience dans la question des savoirs est qu’elle engage à prendre en considération des savoirs hétérogènes. Elle accepte les différences de nature entre les savoirs, d’une part, et les modalités d’élaboration et d’emploi de ces savoirs, d’autre part. Deux aspects nous intéressent particulièrement dans la notion d’expérience.

Le premier aspect renvoie à l’expérience comme un ensemble de savoirs acquis. Elle permet non seulement de tenir compte de la nature particulière des savoirs mobilisés, et notamment du fait qu’ils sont fréquemment informulés, mais également de questionner l’idée répandue d’une asymétrie entre le client " ignorant " et le professionnel " savant ". Cette notion conduit à s’affranchir, méthodologiquement au moins, des découpages a priori entre les catégories professionnelles pour étudier comment les savoirs sont distribués dans les systèmes d’acteurs.

Le deuxième aspect renvoie à l’expérience comme un processus au cours duquel s’effectue une production ou un échange de savoir. Cette notion nous semble ouvrir une perspective nouvelle pour étudier les problèmes et les enjeux de la coopération entre les acteurs. Peut-il y avoir réellement un transfert de savoirs ou s’agit-il d’une stimulation mutuelle entre différents savoirs. Et encore : quelle est la nature des articulations qui s’établissent entre les savoirs de plusieurs acteurs ? Quelles sont les conditions de perméabilité, d’un acteur à l’autre, des expériences de chacun ?

Ces questions nous sont apparues lors d’une première recherche sur la médiation entre acteurs d’opérations immobilières complexes [10]. A partir des résultats obtenus, les pistes les plus prometteuses portent sur les effets de la prise en compte de l’expérience sur l’organisation des processus de projet ; l’émergence de nouvelles formes d’exercice d’un métier, l’émergence de nouveaux métiers (ex. : la figure de médiateur) ; et enfin sur les parcours professionnels et les processus de professionnalisation.

Pour nous résumer, l’élargissement des perspectives que nous proposons par rapport aux travaux existants porte sur deux aspects : en premier lieu, l’objet de notre analyse est bien la chaîne des actions et des savoirs qui relient la conception et les usages d’un lieu ; en deuxième lieu, l’analyse doit prendre en considération l’ensemble des acteurs de cette chaîne sans procéder à une hiérarchisation a priori des finalités qu’ils poursuivent à travers le projet.

En ce sens, notre objet d’analyse ne se distingue pas seulement de celui d’un certain nombre de recherches dans le domaine de la production architecturale et urbaine. Il constitue également un élargissement des travaux qui visent un rapprochement entre les usages des lieux et les pratiques de gestion. Ces travaux qui ont contribué au renouvellement des questionnements des sciences de gestion, en particulier dans le domaine de l’" action située ", des agencements organisationnels et de la gestion des ressources, appréhendent la place de l’espace dans l’action organisée notamment en tant que ressource symbolique et cognitive [11]. La notion de gestion de l’espace, qui s’est appuyée sur l’analyse de la modification symbolique d’un lieu [12] opérée à travers les usages dans le temps, pourrait faire l’objet d’un questionnement quant à son apport à la conception.

Démarches

Ce questionnement sur les liens entre usages et conception empruntera plusieurs voies selon les terrains et les projets de recherche programmés. Ces voies passent notamment par l’étude d’opérations immobilières ou urbaines, en cours ou réalisées, qui explorent, déplacent ou réexaminent les articulations entre usages et conception. Les opérations découlent de l’initiative de différentes structures : d’entreprises, de collectivités locales ou d’autres institutions. Elles permettent d’appréhender les pratiques des acteurs dans leur portée et leurs conséquences à la fois sur le terrain spécifique où elles sont engagées et au-delà d’elles, dans les aspects qu’elles atteignent et sur lesquels elles agissent volontairement ou non.

Nos analyses seront structurées essentiellement autour de trois thèmes : le premier concerne l’évolution de la manière dont s’organisent les groupes d’acteurs (professionnalisation, compétences…), ainsi que les démarches et outils mis en œuvres sur les terrains pour comprendre les usages et mobiliser les acteurs. Le deuxième thème porte sur les formes d’interaction entre utilisateurs (eux-mêmes divers) et concepteurs. Le dernier thème prend en compte les pratiques d’évaluation (comment ? par qui ?) et les difficultés de définir l’objet et les critères de jugement de l’évaluation (dimension immatérielle des ressources en question).

Ces thèmes seront développés dans les projets de recherche suivants :

 Projet de recherche : Usability of Workplaces - theory and practice
Les acteurs du domaine de la conception et de la construction des bâtiments, préoccupés par la question de la performance du cadre bâti, limitent généralement leur analyse aux aspects techniques et fonctionnels. L’introduction du concept de " usability " dans la recherche et la pratique de l’évaluation des bâtiments permettrait d’ouvrir cette question aux aspects de la qualité des expériences des utilisateurs. Le potentiel d’utilisation d’un bâtiment pourrait ainsi être évalué selon une analyse des usages réels ou souhaités de l’organisation utilisatrice et en relation avec les connaissances mobilisées dans les processus de décision concernant l’architecture et l’aménagement de l’espace.
Nous proposons d’élaborer une analyse comparative des processus, des méthodologies et des outils d’évaluation mis en œuvre dans des opérations immobilières à vocation industrielle, tertiaire et hospitalière. La recherche sera conduite dans le cadre du réseau du CIB : Working commission W111 " Usability of workplaces " et portera sur 5 à 7 opérations immobilières en Europe, à Hongkong et en Australie.

 Projet de recherche : Architecture et urbanité - la part des habitants
L’objet de notre recherche est l’intervention des habitants sur les espaces extérieurs de leur habitation (espaces intermédiaires tant publics que privés) après le chantier de leur première mise en œuvre, et d’analyser le processus constructif mené par les habitants de concert avec les forces et processus naturels.
Nous proposons d’analyser les pratiques en développant les éléments d’une étude comparative entre certains quartiers d’habitations en France, en Allemagne et en Autriche (avec nos partenaires au sein d’un programme Socrates IP : universités de Karlsruhe, Munich et Vienne) [13]. En France, nous examinerons comment une attitude et des mécanismes divers conduisent à une stérilisation de l’espace public ou privé, corollaire à une séparation du domaine privé de l’habitation d’avec le domaine public selon une logique d’étanchéité. En regard, en Allemagne, on analysera un contexte et une démarche très différents : les habitants aménagent, modifient et complètent leurs habitats, les processus de la nature se déploient. On assiste alors à la production d’éléments matériels, véritable " deuxième chantier ", qui parachève la constitution des espaces. Cette production n’est possible que si les projets d’architecture savent l’intégrer et si les cadres culturels, réglementaires, savent le favoriser et le réguler.
Ce questionnement sur l’habitant en tant qu’acteur - quelle place dans la production, quel retour de son action sur la conception - ira de pair avec le questionnement sur la nature des lignes de partage de l’espace urbanisé, ainsi que sur la nature de la conception en architecture en regard des chantiers successifs de sa réalisation.

Résultats attendus

Les deux projets de recherche permettront de nourrir la réflexion qui appréhende les usages et les expériences comme ressources pour la conception. Ils pourront apporter un nouveau regard sur l’évaluation du potentiel d’usage des bâtiments et des aménagements ainsi que sur la question des méthodes employées par les acteurs, professionnels ou non. A partir de ces travaux, on devrait mieux comprendre l’évolution des processus de conception liée à la prise en compte des usages et son implication dans l’organisation des projets.

Plus généralement, l’analyse des effets de cette évolution sur les pratiques professionnelles devra contribuer au débat dans le domaine de la production architecturale et urbaine en questionnant notamment les caractères du projet architectural ou urbain, leur organisation et le statut des acteurs. Elles pourraient également apporter une perspective complémentaire aux travaux effectués dans des domaines comme les sciences de gestion, la sociologie des professions et la sociologie du travail.

Axe 2 - Images et médiations architecturales et urbaines

Cet axe est le prolongement de la problématique élaborée durant les années précédentes et portant sur les médiations employées par les acteurs de l’architecture et de l’aménagement urbain. Par médiations, nous entendons tout un ensemble d’éléments qui interviennent dans la fabrication, notamment symbolique, du projet d’architecture et d’urbanisme, aussi bien les agents qui sont à l’œuvre dans la conception ou la critique, que les contextes de ces processus ou encore les mots, les images ou les nombres à travers lesquels ces projets sont élaborés, diffusés, exposés, critiqués, etc. Ces éléments, inscrits entre la production et la réception des projets, interagissent les uns avec les autres [14].

A travers l’étude de la presse professionnelle et grand public, des œuvres imprimées, des plaquettes de présentation de projet aussi bien que des échanges entre acteurs, nous avons pu analyser différentes situations et médiations essentielles dans la production d’objets architecturaux et urbains. Par exemple, la recherche " Identités professionnelles et images médiatiques " s’est intéressée à la façon dont l’identité professionnelle des architectes se structure autour d’une manière de représenter l’architecture et son exercice. Celle-ci adopte une posture spécifique, pouvant s’avérer symétrique à celle qui apparaît dans les images préférées des petits commanditaires privés, telles que la presse les expose [15].

Dans la perspective pragmatique que nous adoptons, les images constituent un terrain pour comprendre les interactions entre les acteurs et nous cherchons à étudier leur emploi au sein du monde de l’architecture. La recherche sur les " images spatiales " [16], par exemple, met en lumière la relation particulière que des concepteurs ou des élus entretiennent avec ces médiations, relation fondée à la fois sur leur position dans ce projet et sur leurs cultures professionnelles respectives. Aussi la mobilisation de différentes cultures et outils par les intervenants dans les projets est-elle une question importante pour notre recherche. Enrico Chapel l’a étudiée dans sa thèse de doctorat, en mettant en scène le rapport que les urbanistes ont entretenu avec l’imagerie statistique (chiffres, cartes et diagrammes) durant la première moitié du 20ème siècle [17]. Au-delà des pratiques de visualisation spécifiques, il a pu éclairer la mise en forme des grilles d’interprétation des problématiques urbaines qui sont à l’origine de notre manière de penser la ville.

Les images iconiques constituent ainsi un point fondamental de la culture des architectes et un point de convergence des différents acteurs [18]. Mais si notre approche s’appuie sur l’idée que le visuel, essentiel pour comprendre la société contemporaine, l’est à fortiori pour comprendre le fonctionnement du monde de l’architecture et de l’urbanisme, nous accordons également une place importante à l’analyse du discours verbal, vecteur des échanges entre les acteurs [19].

Les images, verbales ou iconiques, nous intéressent en outre comme objets à part entière. Produites au sein du monde de l’architecture et de l’urbanisme, elles sont pour nous des œuvres au même titre que des projets ou des bâtiments, et pas seulement des traces, des médiums ou des représentations de ceux-ci. C’est à ce titre que nous les avons étudiées dans une approche historique des savoirs [20] portant sur l’œuvre publiée de l’historien des villes Pierre Lavedan [21]. Ce travail met à jour les tensions auxquelles est soumis un discours sur la ville quand il a l’ambition de s’ouvrir à l’action en même temps qu’il prétend à la scientificité. Ici, le livre est considéré comme une énonciation, c’est-à-dire comme un " événement historique constitué par le fait qu’un énoncé a été produit " [22]. Cet événement constitue en lui-même une prise de position au sein du monde de l’aménagement, un phénomène relevant des interactions entre acteurs, selon la formulation de Pierre Bourdieu lorsqu’il envisage les aspects les plus formels des textes littéraires comme les expressions de controverses au sein d’un champ [23].

Nous considérons ainsi que les images s’inscrivent dans des contextes multiples, relevant d’une part de la diachronie, marquée par l’inertie de certains modes de représentations (genres littéraires, codes graphiques) ou de matrices disciplinaires et professionnelles (le visuel chez les architectes) et, d’autre part, de la synchronie des débats sur l’architecture et l’aménagement urbain ou des visions momentanément dominantes des rapports entre le savoir et l’action, ou bien encore des changements dans les outils (informatique, statistique graphique). La prise en compte de ces différentes temporalités [24] des médiations nous amènent à croiser des travaux historiques, limités toutefois au 20ème siècle, et des travaux contemporains, faisant ainsi apparaître en filigrane, au sein de ce siècle de l’image, des continuités comme des ruptures dans le rapport aux images entretenu par les différents acteurs du monde de l’architecture et de l’aménagement urbain.

La relation entre les images et le politique

La relation que les images entretiennent avec le contexte et le discours politique traverse les différentes opérations de recherche envisagées dans cet axe thématique aussi bien que les projets de valorisation de recherches achevées.

En matière de valorisation, outre la publication faisant suite à la thèse sur le rôle des cartes et figures dans la production des doctrines urbaines, nous souhaitons approfondir les positions politiques de Pierre Lavedan et publier un article portant sur la participation d’historiens de l’architecture et de la ville aux débats sur l’aménagement de Paris (1935-1943) et à leurs publications manifestes et descriptives [25].

Sur le terrain contemporain, les recherches que nous souhaitons entreprendre portent sur la question du lien entre politique, représentation et projet architectural et urbain. Elles croisent le thème de la participation des habitants et de la démocratie participative, qui a généré de nombreuses recherches notamment en sciences politiques et en sociologie urbaine [26]. Parmi celles qui s’intéressent à la question des images du projet urbain, l’importance de ces dernières dans le discours politique a notamment été développée par Michel Lussault [27].

Il semble que l’attention portée à " l’habitant " ou au citoyen soit susceptible de changer la donne en termes de communication du projet. Il est possible que l’on assiste, avec la volonté de prendre en compte " l’habitant-citoyen " dans les projets, à la construction de moyens de représentation qui permettent de pallier les difficultés qu’induit la distance entre la vision issue de la culture technique ou esthétique des concepteurs et celle des " habitants-citoyens ". Jean-Jacques Terrin a, par exemple, récemment souligné les risques liés à la réception des projets par leurs destinataires et mis en relation la volonté de maîtriser ces risques avec le développement de la thématique des ambiances et des technologies qui permettent de les visualiser. On peut y voir l’un des indices de " la montée de l’"aval" dans la conduite des projets " [28].

Le rôle des images dans la réception des projets par les " habitants-citoyens " constitue ainsi le point de départ de deux nouvelles recherches. L’une s’intéresse à la façon dont les documents de conception et de communication du projet font place à une représentation des destinataires du projet. La seconde porte sur les images respectives que les élus et les habitants forment de l’espace public.

La présence des destinataires dans les documents de projet

Cette recherche part de l’observation que nous avions faite, dans le travail sur les images spatiales, de l’évocation du point de vue des habitants par les élus, alors même que ces derniers ne participaient pas à cette étape du processus de projet. Cette prise en compte peut sans doute être rapportée au développement de la logique de service, qui fait intervenir la préoccupation du destinataire dans le cadre des débats sur le projet, aussi bien qu’à une conception de l’aménagement marquée par la notion de " bonne gouvernance ". Lorsqu’on aborde l’aménagement du point de vue du langage et des images, on peut également y voir la préparation d’un discours destiné à convaincre les électeurs du bien fondé de cette action d’aménagement et avec elle, de la politique générale de l’équipe au pouvoir. Si l’on considère, en s’appuyant sur les analyses de Patrick Charaudeau, que le discours politique se construit dans deux cadres, perméables l’un à l’autre, celui des débats et celui de la persuasion [29], les échanges entre partenaires du projet que nous avons observés laissent supposer que le discours destiné aux habitants s’élabore en amont. Il n’apparaît donc pas comme une mise en scène a posteriori des décisions prises par l’ensemble des acteurs, relevant d’une politique de communication élaborée postérieurement à la conception du projet [30], mais comme consubstantiel à celle-ci. Ces logiques seront étudiées dans le prolongement de l’enquête menée sur la communauté d’agglomération de Rennes. L’analyse de publications (revues municipales, prospectus, sites Internet) ou d’exposition des projets dans le centre d’information sur l’urbanisme, ou encore de discours des élus prononcés en séance publique pourra compléter celle des échanges tenus en réunion de projet entre partenaires du projet (élus, techniciens, professionnels, etc.).

Les images de l’espace public formées par les élus et les habitants

Cette recherche porte sur les images et pratiques de l’espace public dans la ville contemporaine et propose deux approches coordonnées : celle de la valeur de l’espace public et de son image dans le discours politique local, celle de sa réception par les habitants. Il s’agit de mettre à jour les mutations de perception et d’utilisation de la valeur " espace public " dans les actions d’aménagement. Peut-on dire que l’espace public est une valeur encore centrale dans les processus d’élaboration et de médiatisation des projets ? Comment est-il perçu par des habitants qui aspirent à une sécurité et à une intimité qui, selon certaines analyses, deviendraient de plus en plus synonymes de " sécession " [31] ? Cette recherche aura pour terrain l’aire toulousaine. Elle participera d’une action qui voit la collaboration du département de la recherche de l’école d’architecture de Toulouse et de l’Université du Mirail et qui s’effectuera dans le cadre du programme POPSU (Plate-forme d’observation des projets et des stratégies urbaines) qui engage plusieurs institutions universitaires et administratives en France [32]. Les résultats de cette recherche pourront être confrontés à ceux de la recherche menée dans l’axe thématique " Conception, usages, expériences " et qui s’intéresse à la part des habitants, des démarches de projet et des contextes réglementaires et politiques dans la création d’une urbanité de la ville.

Résultats attendus

En introduisant dans cet axe thématique portant sur les images et les médiations la dimension politique, nous attendons une meilleure compréhension du discours sur le projet architectural et urbain. D’un point de vue formel, ce discours partageant avec le discours politique le fait de se situer entre langage, savoir et action, son étude éclaire les logiques de la construction du discours d’aménagement.

Son étude permet d’envisager le travail de l’architecture et de l’urbanisme à travers des situations de communication réunissant des acteurs de la conception et de l’urbanisme avec des élus et des habitants. La prise en compte de ce triangle d’acteurs professionnels, élus, habitants, fait ainsi écho, sur le plan des discours textuels et visuels, aux travaux réalisés dans l’axe Conception usages, expériences. L’étude de cette modalité d’interaction que constitue le discours éclaire une activité essentielle de l’architecte, de l’urbaniste et du paysagiste, celle de médiateur, qui évolue avec la multiplication des acteurs du projet et la prise en compte des habitants. Elle informe également le travail de conception car les mêmes images peuvent aussi bien être des instruments de l’activité de conception que de communication.

Cette approche par les images et les médiations contribuera à la connaissance de la nature et les usages des outils et des savoirs qui circulent dans le domaine de la production architecturale et urbaine et devrait enrichir les approches développées par les sociologies urbaines et des professions, ainsi que, grâce à l’élaboration de travaux de nature historique, l’histoire sociale de l’architecture et de l’urbanisme.

Axe 3 - Identités et polarités professionnelles

L’étude des activités et des métiers " qui font la ville et l’architecture " constitue aujourd’hui un axe de recherche bien représenté dans le laboratoire [33]. Les travaux prenant cette direction trouvent le plus souvent un lieu d’élection et de discussion naturelle au sein du réseau Ramau. Loin de se cantonner à la seule profession d’architecte, ces derniers élargissent leurs interrogations à la question des relations interprofessionnelles dans et hors projets entre architectes, urbanistes, paysagistes et autres professionnels de la ville et de l’architecture, à la constitution des savoirs urbains et architecturaux, ainsi qu’à l’analyse des discours, images, et représentations ; constituant par là un axe d’investigation générale qui vise à éclairer l’univers de la production de l’architecture et de la ville. Une telle attitude d’analyse est aujourd’hui bien représentée dans le monde de la recherche architecturale et a fait preuve de sa fécondité [34].

L’interrogation en terme d’identité professionnelle sur le modèle des professions savantes conduit, par exemple pour les architectes, à parler de " déprofessionnalisation " ou encore, dans une version plus éclectique, " d’hybridation des compétences " [35]. Nous proposons de développer une attitude distincte, que l’on pourrait appeler " constructiviste [36] ". Si effectivement l’absence d’une forme professionnelle établie, unifiée et stable, est un élément constaté de façon récurrente chez nombre de professionnels de la ville, on peut faire l’hypothèse que c’est dans un travail social de construction mobilisant des ressources à la fois pratiques et discursives que se construit de manière continue le fait professionnel. Ce constat doit conduire à s’interroger non plus uniquement sur l’identité de ces professionnels mais aussi sur leurs pratiques, celles-ci recouvrant non seulement des pratiques de travail mais aussi des pratiques qui permettent de se définir comme professionnel [37]. Ces pratiques sont tout à la fois discursives, manipulant des représentations et des modèles idéaux que se donnent les professions, et stratégiques car il s’agit pour les professionnels de définir " une présentation de soi [38] " opposable à des professions concurrentes dans le même champ de production [39].

C’est cette optique et cette attitude qui sont au centre des propositions de recherche qui suivent. Pour chacune des opérations sont restituées la méthode et les actions envisagées. Comme nous l’avons dit, notre volonté de connaissance n’est pas focalisée sur le seul groupe des architectes mais aussi sur les relations que ce dernier entretient avec d’autres métiers, c’est à dire finalement le champ d’activité de la conception, au sens large, depuis l’architecte en passant par les urbanistes et les maîtres d’ouvrage, jusqu’aux " gestionnaires " de l’espace. Aussi, les opérations de recherche proposées ici partent de la connaissance du groupe des architectes pour élargir ensuite leurs interrogations à d’autres métiers.

Un regard sur les " zones obscures " de la profession d’architecte

La mise en question de l’usage de la notion de profession et le nominalisme qu’elle engage va de pair avec la volonté de considérer l’hétérogénéité des groupes professionnels, en particulier celui des architectes. La plupart des recherches définissent en effet la profession et l’approche à partir des éléments les plus visibles et valorisants de son activité : commande publique, activité libérale, marché à investir (réhabilitation, maison individuelle), activité de projet… Comme si finalement les questions liées à la connaissance interne du groupe et à ses changements (féminisation, salariat, organisation du travail, insertion des jeunes diplômés…) étaient placées au second plan. Autrement dit, tout se passe comme si le champ des recherches et des problématiques posées était isomorphe à la représentation que la profession veut donner d’elle-même à l’extérieur et aux questions qui lui semble légitime de se poser ; ce qu’Everett C. Hugues nomme un " stéréotype professionnel ".

En ce sens il nous semble qu’il existe une place pour une investigation des questions " obscures " ou " moins dignes " qui touchent à la profession d’architecte. Sont visés ici les profils et les trajectoires des architectes qui ne développent pas la compétence acquise dans les écoles d’architecture dans le secteur libéral de la maîtrise d’œuvre mais au service de collectivités, CAUE, associations… Sans aller plus loin dans l’exposition de ces transformations, on voit bien ce qui encore une fois s’y joue : la définition unitaire de l’identité et de la mission de l’architecte et les profits qui y sont attachés. Du coup, c’est la force symbolique du titre et sa représentation historique qui demeurent dans les esprits alors qu’elles sont mises en cause par la réalité des transformations actuelles. Pour rendre compte de ces changements, le terme de " diversification " domine les travaux de recherche sur le sujet. Mais plus que tout, subsiste une difficulté princeps : comment nommer et reconnaître ces diplômés architectes qui exercent d’autres fonctions que celles de la maîtrise d’œuvre de conception [40] ?

Méthodes et terrains d’investigation

Nous envisageons d’aborder cette question notamment par une étude de l’investissement d’une fraction de la profession d’architecte dans des actions de nature pédagogique et participative. Aujourd’hui, notamment avec la loi sur le renouvellement urbain, une nouvelle figure apparaît, celle du professionnel prenant en charge la consultation, la concertation et, aussi, la participation du public. Le plus souvent, il vient en soutien aux élus des municipalités et il est issu d’une formation en urbanisme. Ainsi, dans le sillage des CAUE, des architectes, des professionnels de l’urbanisme, des artistes et des professionnels de l’éducation s’associent afin de prendre en charge des actions de sensibilisation et de participation du public. Ces organisations regroupent des professionnels ayant des activités " militantes " et bénévoles ou des activités rémunérées, missionnées la plupart du temps par les collectivités locales. Nous pouvons considérer qu’ils définissent des professionnalités s’apparentant à celles des travailleurs sociaux et à celles du " travail sur autrui " [41]. Des architectes développent ainsi de nouvelles pratiques professionnelles s’appuyant sur leur formation d’origine et appelant d’autres domaines de compétences tels que, par exemple, l’éducation, l’animation et la médiation [42]. Notre hypothèse est ici qu’une nouvelle socialisation démocratique de l’architecte se joue dans les activités prenant en compte des démarches de participation et de sensibilisation et qu’à travers ces expériences l’architecte se trouve confronté à la transformation de son identité de métier.

Une autre façon d’aborder les zones obscures de la profession d’architecte sera de faire une étude sur les pratiques professionnelles " hybrides " à partir d’entretiens effectués dans le cadre du réseau des anciens étudiants de l’école d’architecture de Paris La Villette (architecte-scénographe, architecte-écrivain, architecte-enseignant, architecte-artiste, architecte-ingénieur, …). L’hypothèse de ce travail est de considérer le champ de l’architecture comme étant multipolaire, les identités des architectes se construisant autour de pôles d’attraction produits en relation avec le modèle professionnel principal véhiculé par la profession, ainsi qu’en relation avec d’autres modèles professionnels. Ces identités sont par exemple artistiques (architectes-artistes, scénographes...), techniques (architectes-ingénieurs, activités liées au chantier par exemple), intellectuelles (enseignants, écrivains...).

Ces terrains sont en cours d’investigation à travers un série d’enquêtes auprès des architectes visés. On procède à des entretiens semi-directifs sollicitant une présentation de l’activité et un récit de parcours professionnel. Les entretiens sont donc des entretiens " biographiques " permettant de mettre en valeur la trajectoire professionnelle et les différents moments clés du parcours : les formations, les différentes expériences et les choix dans les domaines et les modes d’intervention, jusqu’à l’exercice professionnel actuel. L’hypothèse de travail est celle de la construction progressive d’une identité professionnelle à partir d’expériences successives s’établissant en continuité ou en rupture avec l’exercice traditionnel du métier d’architecte. La narration chronologique permet en effet d’identifier des événements déterminants dans la formation pratique comme par exemple la remise en question des modèles issus de la formation initiale, et de faire apparaître " l’apprentissage expérienciel " [43] et la constitution de " savoirs d’action ". C’est au moment du récit que peuvent être mises en relation la constitution de l’expérience et l’activité actuelle. Il s’agit bien d’un récit, donc d’une construction, par la personne elle-même, de son histoire.

La constitution d’une " sociologie de l’architecture "

La posture de recherche qui traverse l’ensemble de cet axe thématique consiste finalement à développer une analyse de l’univers social des professions en tant qu’elles sont prises dans des configurations et, plus particulièrement, à identifier un espace de réflexion sociologique propre à l’architecture. L’analyse rétrospective des travaux menés à propos du champ de l’architecture fait apparaître en effet un véritable chantier qui pourrait être regroupé sous le terme de " sociologie de l’architecture ". Pour autant, ces travaux et connaissances produites depuis la rencontre des sciences sociales et de l’architecture restent relativement atomisés. Un certain nombre de recherches et de travaux se reconnaissent et sont implicitement reconnus comme affiliés à un tel espace. Néanmoins, ce champ existe de façon encore assez impressionniste. Connus des enseignants des écoles d’architecture et des sciences sociales [44], ils n’ont pas encore fait l’objet d’une valorisation d’ensemble, pourtant nécessaire tant du point de vue de l’enseignement (un corpus reste à identifier et mettre à disposition des étudiants) que de la recherche (attestant de la qualité et de la fécondité des recherches pluridisciplinaires engagées dans les écoles d’architecture notamment). Un tel projet doit donc mener de front une volonté de rassembler et valoriser un ensemble de connaissances produites, et une volonté réflexive consistant à s’interroger sur les conditions sociales et historiques de possibilité de cet espace de production et de producteurs de connaissance. Cela se traduit par l’articulation d’un séminaire de " sociologie de l’architecture " d’une part, et la mise en œuvre d’un chantier de " socio-histoire " des sociologues de l’architecture, d’autre part.

Méthodes et terrains d’investigation : un séminaire sur les travaux de sociologie de l’architecture

Aussi, nous pourrions donner une véritable existence à ce champ en participant à sa structuration par l’organisation d’un séminaire de sociologie de l’architecture. Un des premiers travaux importants pourrait consister à réunir un ensemble de textes et de contribution selon plusieurs axes afin de dessiner la structure d’un séminaire dans lequel pourraient intervenir plusieurs chercheurs liés à ces thèmes.

Un tel dispositif nous paraît important au moment où se met en place une réforme des études dans les écoles d’architecture. Il pourrait contribuer à prendre la mesure (rétrospective) du travail et des connaissances que les sciences sociales ont apporté à l’univers de l’architecture et clarifier en conséquence la place du groupe de discipline SHS dans l’enseignement et la recherche des écoles d’architecture. Pour cela, il est nécessaire d’une part de réunir des connaissances (corpus de texte) mais aussi des producteurs de connaissances relatives à l’architecture. Ce séminaire pourrait prendre la forme de rencontres et d’invitations régulières de sociologues reconnus pour leurs travaux sur l’architecture sur une ou deux années. Cette manifestation régulière pourrait par ailleurs être reliée à l’activité pédagogique de troisième cycle de l’école d’architecture de Paris-La Villette et être ouverte à des doctorants d’architecture et de sciences sociales. A l’issue de ces rencontres, le corpus de textes obtenu pourrait faire l’objet d’une publication attestant publiquement de l’existence d’un véritable champ de recherche et de problématique fédérée sous le terme " sociologie de l’architecture [45] ".

Cette entreprise s’inscrit dans la continuité des travaux entrepris par Christophe Camus qui, après avoir mené dans le cadre du LET différentes recherches prolongeant des pistes mises à jour lors d’un travail universitaire [46], a progressivement développé une sociologie de l’architecture parfois qualifiée de " socio-logique " ou de " socio-sémiologique ". Située à la jonction de différents domaines de savoirs (sociologie et sémiologie pour les plus explicites) et de différentes approches théoriques, cette sociologie a suivi les contours de l’objet qu’elle étudie au risque de s’éloigner des champs universitaires mieux balisés. Par conséquent, il est apparu nécessaire de compléter le travail de terrain par une tentative de définition précise et théorique de la sociologie de l’architecture ainsi esquissée.

Une enquête socio-historique sur les auteurs de la sociologie de l’architecture

La mise en place d’un séminaire dit de " sociologie de l’architecture " ne peut être envisagée indépendamment d’une réflexion sur la constitution historique d’un tel champ. En ce sens, et pour éviter les pièges de l’illusion rétrospective, il est nécessaire d’engager un regard réflexif sur la constitution de l’univers social des " sociologues de l’architecture ".

Les sciences sociales, dont la sociologie, sont en effet " entrées " dans les programmes et lieux d’enseignement de l’architecture à partir de la fin des années soixante. Sur fond de contestation de l’ENSBA, une fraction du champ de l’architecture a cherché les ingrédients d’une critique et d’un renouvellement de l’architecture par la fréquentation des travaux issus des sciences sociales et de la philosophie [47]. Un pôle complémentaire de recherche à celui du séminaire de sociologie de l’architecture pourrait donc consister en l’entreprise d’une socio-histoire des sociologues de l’architecture [48]. Cette analyse nécessite d’une part un important travail d’archives pour identifier les évolutions de la production sociologique [49] autour de l’architecture, et d’autre part une analyse des trajectoires et positions occupées par les sociologues dans les écoles d’architecture entre la fin des années 60 est aujourd’hui. En croisant l’analyse des productions (et leurs cycles) et celle des trajectoires, il est possible de constituer une connaissance qui porte tout autant sur la contribution des sciences sociales à la mise en place de la recherche architecturale et sa pédagogie que sur la constitution d’un " sous-champ " de production et de producteurs rassemblés sous le vocable de " sociologues de l’architecture ". Enfin, cet axe de recherche pourrait par ailleurs s’inscrire dans le RTF 27 " sociologie des intellectuels " de l’Association Française de Sociologie (www.afs-socio.fr) prolongeant ainsi les interrogations abordées dans le cadre d’un travail universitaire qui sera publié dans le courant de l’année 2006 [50].

Ce séminaire de sociologie de l’architecture et la recherche socio-historique qui l’accompagne seront configuré dès le début de la rentrée universitaire de l’année 2006. Enfin, le développement d’une publication de nature théorique concernant la définition d’une " sociologie de l’architecture " est engagé dans le cadre d’un projet de publication par Christophe Camus.

Résultats attendus

Le développement de cet axe thématique selon ces deux directions devrait conduire l’analyse à articuler des niveaux de connaissance relativement différents : celui de l’action organisée, du travail et des relations interprofessionnelles et de la construction des identités professionnelles. Finalement, l’analyse de l’activité des professionnels, réalisée selon ces axes, devrait déboucher sur une réévaluation de la question de l’identité professionnelle. La considération des pratiques professionnelles engage en effet à définir l’identité professionnelle non pas comme donnée a priori mais plutôt comme le résultat d’un travail de " construction sociale " qui s’opère à travers les discours et les pratiques [51].

Notes

[1Bonnet M., dir., La conduite des projets architecturaux et urbains : tendance d’évolution, Paris, La documentation française, 2005 et Courdurier E., Tapie G. dirs., Les professions de la maîtrise d’œuvre en France, La documentation française, 2003.

[2Cf. les travaux du LET : C. Camus, E. Chapel, I. Grudet, présentés dans le rapport d’évaluation, et aussi un ouvrage auquel ces chercheurs ont participé : Pousin F., dir., Figures de la ville et construction des savoirs, Paris, Cnrs éditions, 2005.

[3Evette T. (dir.), Lautier F., Plais D., Macaire E., Les expertises dans la phase amont des projets de bâtiment (définition et programmation). Etudes de cas : projets à l’échelle de l’édifice, Paris, Rapport de recherche pour le PUCA, LET-EAPLV, 2001 ; Lautier F., « Eléments pour une typologie problématique des maîtrises d’ouvrage », in Bonnet M., Claude V., Rubinstein M. (eds.), La commande …de l’architecture à la ville, Paris, PUCA, 2001, t. 2 ; et "Les maîtrises d’ouvrage : des produits et des processus" in Bonnet M., dir., La conduite des projets architecturaux et urbains : tendance d’évolution, Paris, La documentation française, 2005.

[4Coudurier E., Tapie G., dirs., Contrat d’Etudes Prospectives sur l’évolution des professions de la maîtrise d’œuvre, rapport pour le Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, Paris, GRAIN, novembre 2001.

[5Voir notamment Nielsen J., Usability Engineering, Cambridge, AP Professional, 1994.

[6En ce sens, la prise en compte des usages vise d’autres buts et prend d’autres formes que ce qui a été développé durant les années 60 et 70 : Advocacy planning avec Christopher Alexander, Participation in the design of workspaces avec Colin Clipson ou l’Anact, Conception et usage de l’habitat au Plan Construction.

[7ISO 9241-11:1998, "Exigences ergonomiques pour travail de bureau avec terminaux à écrans de visualisation (TEV)" - Partie 11 : lignes directrices relatives à la usability.

[8Cette position apparaît dans des recherches sur la gestion des systèmes socio-techniques complexes. Voir notamment Journé, B., "Les paradoxes de la sûreté nucléaire", in Perret, V. et Josserand E., Paradoxe et Science de l’Organisation, Paris, Editions Ellipse, coll. HEC, 2003, pp. 223-252. Elle renvoie aussi à des recherches dans le domaine de la production architecturale. Voir notamment : Granath J.A., Adler N., Lindahl G.A., "Organizational learning supported by design of space, technical systems and work organization, a case study from an electronic design department", 1999.

[9Cet aspect est plus connu dans des opérations à l’échelle de la ville où l’acteur-citoyen occupe une place nouvelle. Cf. Godard F., dir., Le gouvernement des villes. Territoire et pouvoir, Paris, Descartes & Cie, 1997.

[10" La médiation de l’expérience dans la production des opérations immobilières complexes. ", recherche dans le cadre du programme " Activités d’experts et coopérations interprofessionnelles " du PUCA, 2003 - 2004 ; rapport final en cours de rédaction.

[11Gagliardi P., "Exploring the aesthetic side of organizational life", in Clegg S. R., Hardy C., Nord W. R., eds., Handbook of organization studies, London, Sage Publications, 1996, pp. 565-580. Girin J., "La communication dans une tour de bureaux" in Chanlat J.-F., ed., L’individu dans l’organisation. Les dimensions oubliées, Laval, Les presses de l’université Laval, Editions Eska, 1990, pp.185-197. Schronen D., Le management à l’épreuve du bureau, Paris, L’Harmattan, 2003. Maclouf E., "Délocalisations, réaménagements, activités quotidiennes. Les pratiques de gestion des espaces de travail dans leur contexte", Revue internationale sur le travail et la société, octobre 2005.

[12Voir notamment le concept de figuration développé dans la thèse de Michaël Fenker : L’espace : un mode de gestion de la dynamique organisationnelle, thèse de doctorat en sciences de gestion, Centre de Recherche en Gestion, Ecole Polytechnique, Paris, 2003.

[13Soulier N., Wirz H., "L’espace public n’appartient-il à personne ? A propos de Freibourg", à paraître en 2006.

[14Cf. la présentation de la notion de médiation par Nathalie Heinich, qui distingue trois types de médiateurs : les personnes, les institutions et "les mots et les choses" dans La sociologie de l’art, Paris, La Découverte, 2001, p. 58-73.

[15Camus C., Evette T., Identités professionnelles et images médiatiques. Les interventions sur l’existant dans la presse technique et professionnelle et dans la presse spécialisée grand public, Paris, Puca, 2003.

[16Chapel E., Grudet I., Mandoul T., Images spatiales et projet urbain, Paris, Puca, 2005.

[17Chapel E., Cartes et figures de l´urbanisme scientifique en France (1910-1943), Recherche sur le rôle et les fonctions de la statistique et de l´unification graphique dans la production des doctrines urbaines, Paris, Université Paris VIII, thèse de doctorat en Urbanisme et Aménagement, 2000.

[18Cf. Benaïssa A., Pousin F., "Figuration et négociation dans le projet urbain", Les cahiers de la recherche architecturale et urbaine, n° 2/3, 1999, pp. 119-134 ; Söderström O., Des images pour agir. Le visuel en urbanisme, Lausanne, Payot, 2000 ; Toussaint J.-Y., "Le collectif d’énonciation de l’espace ou l’histoire des acteurs que cachait l’architecte", Les cahiers du LAUA, n° 3, 1995.

[19Cf., pour l’architecture, Camus C., Lecture sociologique de l’architecture décrire. Comment bâtir avec des mots, Paris, L’Harmattan, 1996 ; Camus C., "Dire le faire. Présentation d’architectes ou présentation d’œuvres", Les Cahiers de la recherche architecturale n°2-3, p. 107-118, 1999 et, pour l’urbanisme : Grudet I., La coordination et la transmission. Etude comparative de dictionnaires de l’urbanisme, mémoire de DEA, Paris 8 - EAPB, 1997 ; Chapel E., Grudet I., Mandoul T., Images spatiales et projet urbain, op. cit.

[20En relation avec les mondes de l’architecture et de l’aménagement urbain, plusieurs travaux ont été consacrés à des œuvres écrites, notamment Lepetit B., Topalov C., La ville des sciences sociales, Paris, Belin, 2001 ; Mandoul T., L’"Histoire de l’architecture" d’Auguste Choisy. Entre raison et utopie, thèse de doctorat, Saint-Denis, Paris 8, 2004 ; Brucculeri A., L’architecture classique en France et l’approche historique de Louis Hautecoeur : sources, méthode et action publique, thèse de doctorat, , Paris - Venise, Univ. Paris 8 et Instituto universitario di architettura di Venezia, 2002.

[21Grudet I., L’histoire de l’urbanisme de Pierre Lavedan de 1919 à 1955 : entre savoir et action, thèse de doctorat, Saint-Denis, Univ. Paris 8, 2005.

[22Ducrot O., " Enonciation", in Ducrot O., Schaeffer J.-M., Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1995, p. 603-611.

[23Bourdieu P., Les Règles de l’art, Paris, Seuil, 1992.

[24Cette méthode s’appuie sur celle définie pour les textes littéraires par Hans-Robert Jauss dans Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978.

[25Dans la thèse sur l’œuvre historiographique de Pierre Lavedan, l’objectif de montrer que le projet d’écriture de l’histoire de la ville (genre littéraire, catégories descriptives, dispositif photographique) suivait les débats doctrinaux, nous a confronté au contexte de l’occupation allemande, un moment où les productions culturelles étaient fortement encadrées.

[26Pour une synthèse de ces travaux voir notamment : Rui S., La démocratie en débat, A. Colin, 2004 ; Espace et sociétés, "Ville et démocratie", n°112 ; Annales de la recherche urbaine "Gouvernances", n° 80-81, 1998.

[27Lussault M. , "La ville clarifiée. Essai d’analyse de quelques usages carto-iconographiques en œuvre dans le projet urbain", in Cambrezy L., de Maximy R., dirs, La Cartographie en débat. Représenter ou convaincre, Paris, Orstom-Khartala, 1995, pp. 157-193 ; Lussault M., "Images (de la ville) et politique (urbaine)", Revue de géographie de Lyon, vol. 73, n° 1, 1998, pp. 45-53.

[28Evette T., "Quelques perspectives sur la conduite des projets d’aménagement" et Terrin J.-J., " La construction des expertises techniques au sein du processus de projet", in Bonnet M., dir., La conduite des projets architecturaux et urbains : tendances d’évolution, Paris, La documentation française, 2005.

[29Charaudeau P., Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005.

[30On peut d’ailleurs observer que ces politiques de communication se mettent en place parallèlement au projet et l’accompagnent dès l’origine et jusqu’à son aboutissement ; Cf. notamment les travaux de Véronique Biau sur la communication municipale.

[31Esprit, "La ville à trois vitesses : gentrification, relégation, périurbanisation", mars-avril 2004.

[32GIP " L’Europe des Projets Architecturaux et Urbains. Etudes comparatives sur les projets urbains des grandes villes françaises " (Plan Urbanisme Construction et Architecture), sous la responsabilité de Danièle Valabrègue et Robert Prost, directeur scientifique. Nous participons à une équipe de recherche regroupant quatre enseignants chercheurs de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse : E. Chapel (LET), F. Gaudibert (PAVE), G. Ringon (PAVE), P. Weidknet (PAVE).

[33Pour exemple, sur les relations interprofessionnelles on peut se reporter à Chadoin O., Evette T. (dir.), Activités d’architectes en Europe. Nouvelles pratiques (2004) ; sur les savoirs professionnels et leurs mobilisation à Evette T., Lautier T., Macaire E., Plais D., "Expertises et savoirs dans la définition des édifices" (2003) ; sur les présentation de soi et discours des professionnels à Camus C, "Ecrire ce qu’on sait faire : stratégies de réécriture des références d’une agence d’architecture" (2003) ; enfin sur la constitution des savoirs urbains et architecturaux à Grudet I., L’histoire de l’urbanisme de Pierre Lavedan de 1919 à 1955 : entre savoir et action (2005). Pour une vue et des références complètes cf. le document d’évaluation pour le BRAUP de la période quadriennale qui vient de s’achever.

[34Cette évolution du champ d’investigation n’est pas sans rappeler le passage d’une interrogation sur " l’architecture et la société " à " l’architecture dans la société " pour finalement aborder " l’architecture comme société " pour paraphraser le diagnostic fait pas Nathalie Heinich à propos de l’art, cf. Sociologie de l’art, Paris, La découverte, 2002, pp. 10-12.

[35Cf. Champy F., "Vers la déprofessionnalisation, L’évolution des compétences des architectes en France depuis 1980", in Les cahiers de la recherche architecturale, n°2-3, novembre 1999, p. 24 et Tapie G., Les architectes : mutations d’une profession, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 247.

[36Sous ce terme il faut entendre une attitude, un " regard sociologique " et non un nouveau paradigme ou " courant ". Pour une définition Cf. entre autres Corcuff P., Les nouvelles sociologies, Paris, Nathan, " 128 ", 1995, pp. 17-18.

[37La mise en œuvre de travaux autour de la notion de construction sociale des identités professionnelles trouvera son aboutissement dans une thèse de sociologie (Chadoin O., Être architecte : les vertus de l’indétermination - De la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel, Thèse pour le Doctorat de Sociologie, Université de Limoges, 2005) soutenue début 2006 et publiée ensuite (Presses Universitaires de Limoges).

[38Cf. Camus C., "Ecrire ce qu’on sait faire : stratégies de réécriture des références d’une agence d’architecture", in Boudon P., (éd.), Langages singuliers et partagés de l’architecture, Paris, L’Harmattan, Coll. Villes et Entreprises, 2003, pp. 73-82, et Camus C. et Evette T., "L’architecte dans la presse", Urbanisme, n° 337 juillet-août 2004, pp. 81-86.

[39Pour Everett C. Hugues le concept de " profession " dans notre société n’est pas tant un terme descriptif qu’un jugement de valeur et de prestige. Cf. "Le travail et le soi", in Le regard sociologique - Essais choisis, Textes rassemblés et traduits par Chapoulie J.-M., Paris, EHESS, 1996, pp. 76-77.

[40Cf. par exemple, Hoddé R., "Architectes hors l’architecture", in Les cahiers de la recherche architecturale, n°2-3, novembre 1999, pp. 135-145.

[41Dubet F., Le déclin de l’institution, Paris, Ed. du Seuil, 2002.

[42Ces associations mettent en avant des démarches alternatives au processus traditionnel d’élaboration du projet architectural. Elles privilégient souvent les interventions sur les petites échelles permettant une maîtrise plus importante des habitants sur le projet par le biais " d’action participative " ou " d’actions pédagogiques ".

[43" Raconter sa vie est aussi en inscrire les épisodes dans une temporalité articulant passé, présent, et avenir, les insérer dans une histoire qui a du sens " explique Claude Dubar dans La crise des identités, l’interprétation d’une mutation, Paris, PUF, 2000.

[44On peut ici citer les tentatives d’animation de ce champ de réflexion menées par l’association SHS-Test ou, plus anciennes, de l’Institut de l’Environnement puis du CERA.

[45Sur ce point, on peut se donner comme repère la distinction qu’opère Nathalie Heinich in Sociologie de l’art, op. cit., 2002. Elle distingue en effet les travaux de sociologie de l’art selon la partition suivante : réception, médiation, production, œuvres.

[46Camus C., Lecture sociologique de l’architecture décrite, Paris, L’Harmattan, 1996.

[47Cette période est bien abordée à travers les entretiens recueillis par Jean-Louis Violeau in Mai-68 - Mai 81 : l’entre-deux-mai des architectes, Paris, Ecole d’architecture de Paris Villemin, coll. " In extenso ", 1999 et son travail de thèse Les architectes et mai 68, Paris, éd. Recherche, 2005.

[48De ce point de vue le travail de Pierre Lassave, Les sociologues et la recherche urbaine en France contemporaine, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1997, est exemplaire.

[49Les archives et recensements de travaux effectués par le BRAU sont ici une source précieuse.

[50Chadoin O., Être architecte : les vertus de l’indétermination - De la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel, Thèse pour le Doctorat de Sociologie, Université de Limoges, 2005.

[51Cette observation tend ainsi à montrer une identité en construction dans un " ordre négocié " pour reprendre la notion forgée par Anselm Strauss dans "L’hôpital et son ordre négocié" in La trame de la négociation, Paris, L’Harmattan, 1992, pp. 87-112.