07/01/2024 - Disparition d’Isabelle Grudet - Directrice du Laboratoire Espaces Travail

C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de notre collègue Isabelle Grudet survenu dans la nuit du 6 au 7 janvier 2024 à l’âge de 59 ans. Architecte dplg et docteure en architecture, Isabelle a rejoint l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris La Villette en tant qu’ingénieure de recherche au Laboratoire Espaces Travail en 2004. Depuis 2018, elle dirigeait cette équipe scientifique également membre de l’Umr CNRS 7218 Lavue.

Diplômée de l’ENSA de Versailles en 1993, Isabelle Grudet part aussitôt travailler en agence d’urbanisme et de paysage à Berlin, ville riche en expérimentations urbanistiques et architecturales, et capitale en chantier en cette période de réunification. Elle revient en France en 1996 pour s’inscrire au Diplôme d’Études Approfondies, « Projet architectural et urbain », dirigé par Jean-Louis Cohen, Monique Eleb et Yannis Tsiomis. Cette formation lui permet de construire les bases intellectuelles de sa thèse sur l’historien et urbaniste Pierre Lavedan qu’elle commence à partir de 1997. Intitulée « L’Histoire de l’urbanisme » de Pierre Lavedan de 1919 à 1955 : entre savoir et action, sa thèse dirigée par Yannis Tsiomis, visait à comprendre les tensions et les apports réciproques entre mondes savants et professionnels dans un moment de professionnalisation de l’urbanisme.

Devenue chercheure à l’ENSA Paris La Villette, Isabelle Grudet poursuit ses réflexions sur les relations entre savoirs et pratiques professionnelles en les plaçant dans une optique contemporaine. Pour elle, travailler sur les médiations architecturales et urbaines suppose de s’intéresser aux mots, aux images et à leurs agencements à travers lesquels les projets sont élaborés, diffusés, exposés ou discutés. Elle s’intéresse aussi aux personnes qui sont à l’œuvre dans la commande, la conception, la critique ou l’enseignement, en rapport avec les contextes politiques, scientifiques ou techniques dans lesquels s’inscrivent les processus de transformation de l’espace.

A partir de 2008, dans un moment où les injonctions au développement durable puis à la transition écologique interrogent de plus en plus les modèles et les modalités de la production de la ville, Isabelle Grudet fait évoluer ses terrains de recherche vers les projets architecturaux dits « durables » et les « écoquartiers ». Elle participe alors à la construction des programmes de recherche du LET sur la façon dont ces opérations prennent en compte la participation citoyenne dans son lien avec les problématiques environnementales. Elle dirige notamment la recherche L’habitant et la fabrication énergétique des écoquartiers (2012-2015, Programme « Ignis Mutat Res, penser l’architecture, la ville et le paysage au prisme de l’énergie » du Ministère de la Culture). Ce travail questionne l’articulation entre deux moments de la fabrication énergétique des écoquartiers dans lesquels l’habitant a un rôle à jouer : celui de la programmation et de la conception, avec celui de la réception.

En 2022, Isabelle co-dirige un ouvrage qui fait le point sur 20 ans de recherche sur la ville en transition pour apporter un éclairage à la question de savoir si l’irruption des notions de durabilité et de transition écologique relèvent au final seulement « d’actes de langage » ou bien traduisent effectivement des évolutions dans les pratiques des acteurs (La fabrique de la ville en transition, Fenker M., Grudet I., Zetlaoui-Léger J., Editions Quae, 2022).

Depuis plusieurs années, Isabelle Grudet s’est engagée à titre professionnel et militant sur les questions de genre. Elle a notamment co-organisé un colloque international en 2021 à propos des manières dont cette dimension opère dans les métiers de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage. Un ouvrage qui rend compte de cette manifestation vient de paraître sous le titre Dynamiques de genre : La place des femmes en architecture, urbanisme et paysage (Bouysse-Mesnage S., Dadour S., Grudet I., Labroille A., Macaire É., Éditions Parenthèses, 2023). Elle a aussi contribué à la fondation d’Architoo, un collectif d’enseignant.es-chercheur.es qui lutte contre les inégalités et violences de genre au sein des ENSA et des écoles de paysage. Plus récemment, elle a initié une recherche encore en cours, intitulée « État des lieux sur les dynamiques de genre dans l’architecture », pour le compte de l’Observatoire de l’économie de l’architecture (Ministère de la Culture).

Isabelle Grudet était impliquée dans plusieurs co-encadrements de doctorats et a codirigé au nom du LET le post-master Recherches en Architecture d’HESAM Université, formation commune aux laboratoires de l’Ensa Paris-La Villette, entre 2014 et 2021. Elle était également membre du conseil scientifique du Ramau (Réseau Activités et Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme) depuis 2010.
Elle était membre du Conseil du Département recherche puis de la Commission de la Recherche et du Conseil pédagogique et scientifique de l’Ensaplv.

Son engagement professionnel et ses qualités de chercheuse s’accompagnaient d’une grande bienveillance et d’une attention quotidienne à l’égard de ses collègues et des étudiants. Son énergie, sa curiosité et son exigence continueront à nous porter.

Sa famille et ses amis se retrouveront à l’occasion de ses obsèques qui se dérouleront le 12 janvier 2024 à 16h15 à la Maison funéraire, 1 route de Bayeux, 14000 Carpiquet (Calvados).

L’ensemble des membres du LET tient à leur présenter leurs plus sincères condoléances.

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