Les conventions de l’Architecture au prisme du dispositif du Grand Paris

La consultation « L’avenir du Paris métropolitain, le grand pari de l’agglomération parisienne », organisée en 2008 par le Bureau de la Recherche Architecturale, Urbaine et Paysagère (BRAUP) à la demande du Président de la République, réunit dix équipes dirigées par des architectes et regroupe des chercheurs et des professionnels de l’aménagement. Elle se poursuit en 2010 avec la création de l’Atelier International du Grand Paris (AIGP) puis avec cinq équipes supplémentaires en 2012. L’expérience dure jusqu’en 2016.

Au moment où l’État engage un certain nombre d’actions pour transformer l’espace francilien, – la création d’un Secrétariat d’État, la mise en place d’une société d’aménagement métropolitaine et la promulgation de trois lois –, des professionnels et des chercheurs sont réunis pendant huit ans pour contribuer à la production d’un « diagnostic prospectif » pour l’agglomération parisienne.

Comment ces professionnels ont-ils été sollicités ? Comment se sont-ils mobilisés et autour de quelles compétences ?

Dans ce contexte et face à une demande politique portée au sommet de l’État, comment ont travaillé ces équipes et quelle est la nature de leurs productions ?

Positionnée dans la lignée de recherches portant sur les métiers de la fabrication de la Ville, cette thèse aborde les années 2008 à 2016 comme une période particulièrement susceptible de nous renseigner sur les relations qui se tissent entre les milieux de l’Architecture et de l’Urbanisme et celui de la recherche architecturale et urbaine.
L’articulation de trois concepts, « dispositif », « champ » et « monde », a permis tout au long de cette thèse d’analyser les interactions qui s’établissent entre des professionnels et des chercheurs venant de différentes disciplines, tout en prenant en compte le contexte d’une commande étatique qui trouve son origine dans la volonté d’un président d’imposer son projet face à celui de la Région Île-de-France.

Cette thèse montre notamment que la sollicitation d’équipes dirigées par des architectes de renom a été portée par un enjeu communicationnel, propre aux projets présidentiels et renvoyant à une vision de l’architecte comme homme de l’art. Nous faisons le constat que les architectes, par leur capacité à produire des discours aux apparences performatives, ont contribué à rendre légitime l’action étatique en Île-de-France. Cette proximité avec le pouvoir présidentiel a pérennisé des figures canoniques de l’architecte comme « chef d’orchestre » ou « homme de synthèse ». L’association obligatoire de chercheurs dans ces équipes a par ailleurs eu, pour le BRAUP, un objectif de valorisation des pratiques de recherche qui favorisent une plus grande proximité avec le « monde » professionnel ainsi qu’une visée opérationnelle.

En analysant les équipes comme des « structures d’action collective », ce travail contribue à identifier les « conventions » qui ont guidé ces collaborations : la primauté du canal visuel dans la formulation de la pensée, l’ambition de réaliser une synthèse des propos par un projet spatial ou encore la monstration d’artefacts architecturaux comme moyen de démontrer le bienfondé d’une stratégie territoriale.

La thèse aboutit au constat que les « conventions » venant du « monde » de l’Architecture ont eu tendance à s’imposer face à celles provenant d’autres disciplines. Il en a été de même lorsque les productions réalisées ont eu pour vocation de faire œuvre de recherche. On note ainsi un usage généralisé d’outils habituellement destinés à transformer l’espace pour produire des connaissances qui acquièrent ainsi une propension à servir des actions subséquentes. Cette thèse ouvre la questionne de la valeur de l’action dans la production de connaissances en Architecture.

Le jury était composé par :

Jodelle ZETLAOUI-LÉGER, Urbaniste, Professeure HDR à l’École Nationale Supérieure de Paris La Villette (Directrice de la thèse)

Isabelle GRUDET, Architecte DPLG, Ingénieure de recherche du MC, chercheuse au LET-UMR CNRS 7218 LAVUE (Co-encadrante de la thèse)

Enrico CHAPEL, Architecte, Professeur HDR, Ecole Nationale Supérieur de Toulouse (Rapporteur)

Christine SCHAUT, Professeure à l’Université Libre de Bruxelles (Rapporteuse)

Viviane CLAUDE, Architecte DPLG, Professeure HDR, Université Lumière Lyon 2 (Examinatrice)

Laurent MATTHEY, Professeur associé, Université de Genève (Examinateur)

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